À la découverte des origines d’une mystérieuse embarcation

Un nego chin d'antan

Lors d’une visite au chalet-refuge de la confrérie des Pêcheurs l’Islois, niché au bord de la Sorgue, mon attention s’était portée sur une vieille barque exposée contre un arbre. Pensant qu’il s’agissait d’un ancêtre des célèbres nego-chin, je l’avais photographiée pour illustrer la richesse patrimoniale de notre région. Mais cette embarcation allait révéler une histoire bien différente et inattendue.
Une photo qui suscite des questions
Sur mon site internet sur l’Isle-sur-la-Sorgue, j’avais utilisé cette photo à deux reprises : pour illustrer ma visite au chalet-refuge et pour accompagner un article sur la construction des nego-chin.
C’est alors qu’un visiteur attentif m’a contacté avec une question intrigante :
Visiteur : « Le bateau qui se trouve debout sur la photo est-il de votre construction ? »
Moi : « Cette photo a été prise lors d’un rassemblement au cabanon des pêcheurs l’Islois. De mémoire, cette embarcation a été léguée pour la décoration par un ancien pêcheur qui l’avait acheté à une fabrique située dans la vallée du Rhône. En fait, il m’a été rapporté que ce n’était pas un nego-chin. »
Mais le visiteur avait une autre hypothèse à me présenter :
Visiteur : « Je pense que cette barque a été fabriquée dans la région Centre-Val de Loire, peut-être même à Savigny-en-Véron. »
Intrigué par cette affirmation, j’ai poursuivi mes recherches.
Une enquête qui traverse les régions

Après avoir reconsulté Alain Prétot, notre constructeur local de nego-chin, j’ai appris que cette barque aurait été cédée par un ancien pêcheur, qui l’aurait hérité lui-même du célèbre peintre Paul Étienne Sain. Et probablement c’est ce dernier qui l’aurait fait construire pour son usage personnel. Et qui l’aurait transmis lors de la vente de sa maison.
Et voici un nouvel échange avec notre visiteur ce qui a changé la donne :
Visiteur : « Je connais très bien les barques de Savigny-en-Véron… Je suis leur fabricant ! Celle de votre photo a été réalisée dans les années 1980 par mon père et moi-même. J’ai travaillé dessus et je reconnais même certains détails spécifiques. Elle avait été commandée par un client de l’Isle-sur-la-Sorgue pour la pêche au coup ».

Cette révélation confirmait donc que cette embarcation n’était pas provençale mais bien issue des ateliers de Savigny-en-Véron, dans l’Indre-et-Loire.
Caractéristiques techniques et savoir-faire artisanal de notre visiteur
D’après Michel Pronobis (notre Visiteur le fils du fabricant des années 80), cette barque mesure 5 mètres sur 1 mètre avec une largeur de fond renforcée par des cornières pour protéger les côtés. À l’époque, elle était construite en pin maritime ou sylvestre. Ce type d’embarcation était conçu pour être stable et maniable, parfaitement adapté à la pêche en rivière.
Michel Pronobis, lui-même fabricant d’embarcation aujourd’hui, m’a également partagé des photos d’autres créations issues de son atelier :
• Une barque de chasse aux canards (6 m x 1 m) utilisée en eaux débordées.

• Une embarcation pour promenades sur la Lauch à Colmar.

• Une grande barque (8 m x 2 m) destinée à l’Écomusée d’Alsace.

Ces exemples témoignent d’un savoir-faire artisanal remarquable qui transcende les frontières régionales.
Les nego-chin : emblèmes vivants de l’Isle sur la Sorgue
Bien que cette barque mystérieuse ne soit pas un nego-chin, elle partage avec ces derniers un caractère traditionnel et artisanal des embarcations à fond plat.
Les nego-chin, emblèmes typiques de notre rivière provençale, continuent d’être fabriqués localement grâce au travail inspirant et passionné de notre artisan autodidacte et passionné Alain Prétot.
Il vient d’ailleurs de livrer son 150e modèle issue d’une période de 40 ans, preuve que cet héritage reste vivant.
Aujourd’hui encore, ces embarcations légères et élégantes sont utilisées lors d’événements comme le marché flottant ou les démonstrations annuelles de pêche organisées par la confrérie des Pescaïre Lilen.

Une histoire entre tradition et transmission

Cette enquête autour d’une simple photo illustre comment chaque objet peut raconter une histoire riche en liens humains et patrimoniaux. Que ce soit à travers les nego-chin ou les barques venues d’autres régions comme Savigny-en-Véron, ces embarcations incarnent toutes un savoir-faire artisanal précieux qu’il est essentiel de préserver.
D’ailleurs Alain Prétot notre constructeur local se fera un plaisir d’accueillir à l’occasion dans sa cave-atelier, Michel Ponobis, pour échanger avec lui sur les pratiques de constructeurs.


Comments

De la Loire à l’Isle sur la Sorgue — 2 commentaires

  1. La famille Saïn était une famille d’artistes reconnus et le monument aux morts de la guerre de 14 , au cimetière , a été sculpté par l’un d’entre eux.

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